Colombie-Britannique – 2
Partis de Port Hardy sur Vancouver Island, nous atteignons Prince Rupert qui annonce l’entrée sur un nouvel environnement encore plus sauvage. Depuis cette bourgade perdue au sud de la forêt de Tongass, nous prévoyons de faire un crochet en Alaska à quelques 500km d’ici avant de rejoindre les rocheuses canadiennes par Prince Georges. Au programme, remontée des saumons et immersion en territoire Indien.
Prince Rupert : port d’entrée sur le grand nord canadien
Déjà 23h30 et pourtant la nuit n’est pas encore tombée sur la ville animée par le feu d’artifice du Canada Day. Nous trouverons sans mal un bon point de chute pour se jeter au lit après cette longue journée.
Installés au départ d’un sentier de randonnée, les marcheurs sont déjà nombreux à notre réveil, pour eux c’est encore férié. Au Canada, le lundi qui suit un jour férié sur un weekend est offert ! Petit déjeuner à peine avalé, nous sommes interpellés par Marie et sa petite famille installée à Edmonton en Alberta. Ils sont sur Prince Rupert en vacances et ensemble nous partons arpenter le joli sentier de Butze Rapids Trail, alternant forêt humide, fjord et bord de mer. Trop heureux de faire un petite bande de potes, les enfants découvrent les joies de la pêche aux crustacés. Encore une fois, l’humidité de l’océan a participé à créer un écosystème surprenant. Ralliés par des canadiens et portés par cette ambiance simple et tranquille, on se croirait nous aussi en weekend !
Passé ces nouvelles rencontres, nous passerons un après-midi à observer le défilé d’hydravion depuis la Seaplane base de Prince Rupert, un des pilotes nous fera même un concerto à la cornemuse avant de décoller. L’organisation de la vie et des loisirs prend dans ces contrées une toute autre allure. Eloigné de tout, l’hydravion est un moyen de locomotion couramment utilisé et avec pour piste d’atterrissage le principal fjord de la ville, le décor est pour nous tout simplement magique.
A la fois port industriel, port de pêche et port d’excursion, Prince Rupert a tout pour séduire. C’est précisément à cet endroit que nous rencontrons le Canada authentique tel que nous l’avions imaginé avant de partir. La randonnée sur Tees Trail finira de parfaire cette impression avec une belle ascension offrant une vue à 360°C sur les îlots parsemant le côte déchiquetée.
Entre deux randonnées, nous profitons d’une bonne connexion pour checker les différentes réservations pour rentrer en France. Connaissant désormais la date de dépôt du véhicule au port d’Halifax, nous pouvons saisir un vol le 20 août et arriver en gare routière d’Aix les bains à 13h. Cette exactitude du retour nous rend à la fois joyeux et cafardeux !! Dépourvus de gaz dans le van depuis quelques jours, nous tentons ensuite de faire remplir la bouteille juste avant de quitter la ville. Il faudra essuyer deux échecs pour parvenir à trouver le gars qui ne s’oppose pas à mettre du propane dans notre bouteille de butane. Nous sourions rien qu’en repensant aux mexicains qui faisaient le boulot sans jamais discuter sur la sécurité. Bref, nous voilà équipés pour cuisiner à l’intérieur si jamais les hordes de moustiques viendraient à nous priver de soirées extérieures.
Passé ce sursaut d’organisation dans la cool attitude du voyage, nous reprenons désormais la route le long de la Skeena River.
De la Skeena River à la Nisga’a Valley
La Skeena River est l’un des principaux points d’entrée du saumon Steelhead en eaux douces. Chaque été, ils remontent le courant pour venir frayer dans ses eaux avant de mourir dans le ruisseau qui les a vus naitre. A cette époque, les poissons sont encore peu nombreux, mais d’ici peu de temps, les pêcheurs à la mouche viendront les taquiner de près, en plus des ours, bald eagles ou autres prédateurs.
Nous saisissons une belle journée ensoleillée pour une farniente au lac de Lakesle à Terrace. Tandis que les petits canadiens profitent de leurs vacances toutes fraiches, les nôtres potassent leurs manuels scolaires. A avoir travailler si légèrement tout au long de l’année, les filles ne sont pas pour autant exemptées de cours jusqu’au retour !
Terrace devient un point de bifurcation pour atteindre juste au nord un des nombreux territoires indien du Canada où nous avons envie d’observer un lieu de maintien des traditions : la Nisga’a Nation. Lors de notre passage aux USA, nous avions constaté un clivage entre les américains et la communauté indienne. Au Canada, le sentiment est totalement différent. La communauté est intégrée dans l’histoire du pays sans tabou. Désormais dénommée « Native Nation » ou « First Nation », la communauté indienne fait complètement partie du paysage, que ce soit au travers des centaines de totems éparpillés dans les villes, la présence de musées ou la valorisation forte de leurs savoirs faire. L’histoire a tout de même laissé des séquelles, et les nations natives sont bien souvent les premières victimes de mal bouffe ou d’intégration sociale.
Une fois en chemin, nous découvrons avec surprise un large territoire entièrement recouvert de lave : la Lava Bed. Nous apprenons qu’ici même un volcan s’est réveillé sous une montagne en 1770 pour vider son sac de lave. A la recherche des ours en pleine pêche, l’on s’égare le long du ruisseau sur ce champ de lave. Les bald eagle au dessus de nos têtes recherchent aussi leurs repas, ce n’est finalement pas très rassurant de se sentir potentiellement une proie face à des prédateurs invisibles.
Deux totems marquent ensuite l’entrée en territoire Nisga’a sur la rivière Nass. Détruit par les européens, la tradition des totems est maintenant ravivée. L’origine volcanique du terrain a laissé une source d’eau chaude à la forte odeur de sulfure. Entièrement rénové, en forêt, libre d’accès à tous, le site procure une pause bien agréable après la Lava Bed pour se relaxer et discuter entre promeneurs.
La visite se poursuit par le pont suspendu qui permettait l’accès au village de Gitwinksihlkw et enfin pour conclure, l’arrêt au musée de Laxgalts’ap s’impose pour comprendre la prouesse de cette nation qui a réussie à gagner son autonomie après des années de combat pacifique. Culturellement cueilleurs, chasseurs ou pêcheurs, ils ont dû devenir diplomates et politiciens pour revendiquer leurs terres et leurs droits et parvenir à signer un accord de paix en 1999. Ce traité historique est le premier signé en Colombie-Britannique qui offre un droit à l’autonomie gouvernementale d’une nation native.
La pêche au saumon reste toujours une activité pratiquée couramment surtout à Gingolx dans le fjord. Consommé séché ou en bocal, le poisson est très attendu dans la région. Le mauvais temps ne nous permet pas de tirer plus loin sur cette piste. 100km de trous nous attendent déjà pour sortir du territoire avec quelques ours sur les bas côtés…
Stewart, BC et Hyder, Alaska
La jonction de la piste avec la 37, nous mène sur la dernière ligne droite vers le petit bout d’Alaska. A regarder la carte de près, un boyau d’Alaska s’enfile entre l’océan et le nord de la Colombie-Britannique, une seule route, une seule ville, puis l’impasse face à l’immense territoire de la forêt de Tongass. La route est magnifique. Lacs, forêts, hauts sommets, glaciers, le décor est grandiose sous des nuages bas. Le Bear Glacier avant Stewart donne le ton et l’ambiance années 70 du village invite pour de bon au dépaysement. Rien de tel dans ce cas là pour se noyer dans le contexte local du petit café Toastwork. Tout est d’époque, de la machine à toast aux Cadillacs postées devant l’entrée. Les Beatles donnent le tempo et Valentine charge un maximum de Lucky Luke sur sa liseuse. Notre traversée des Etats-unis l’a rendue encore plus accro à la BD…
En montant sur le secteur Stewart – Hyder, nous avons espoir d’être spectateurs d’un phénomène naturel, la remontée des saumons jusqu’au ruisseau de leur naissance pour frayer en chemin et mourir. Evidement, les grizzlys sont au rendez-vous pour leur pick-up annuel. Cette merveilleuse chaine alimentaire s’observe depuis le Fish Creek de Hyder en Alaska. Seul problème, l’imprévisibilité de l’arrivée des saumons… L’année dernière, les premiers étaient là le 18 juillet, en 2016 ils sont arrivés le 1 juillet. Evidemment, ils n’envoient pas de recommandés pour prévenir de leur venue !
On se donne 4 jours pour tenter la chance. Entre les superbes spots de Salmon Glacier et de Clements Lake, l’attente est loin d’être pénible :
- La piste déambulant le long de la Salmon River mène rapidement au glacier du même nom. Déferlant sur 18km de long, il est juste énorme, long, étiré, tout de blanc. On y reste deux jours à apprécier ce spot de fou. C’est aussi là que nous vivrons nos plus petites nuits noires. Le cercle polaire est encore haut pourtant les nuits raccourcissent à vue d’oeil !
- Le lac Clément tout prêt de Stewart, ville frontière avec Hyder sur l’Alaska, s’avère un trésor de quiétude. Nous y resterons trois jours, seuls, dans la forêt… fraiche, trop fraîche même. Les filles y auraient bien installé leur camp de base pour encore des semaines ! Imaginez comme terrain de jeu, tout un lac avec une table flottante comme moyen de locomotion… Elles y passeront leurs journées entières à faire leurs bouillabaisses en tout genre. Loin de tout, elles s’amusent d’un rien. C’est aussi un des cadeaux de ce voyage.
Au final, l’attente est vaine. Au 11 juillet, toujours aucun saumon. L’absence de chaleur ne participe pas non plus à tirer l’attente plus loin. A raison de deux visites par jour sur le ponton de bois, les rangers du Fish Creek sont habitués à nous voir et donnent des explications aux filles sur la distinction entre ours noir et grizzly. Un castor fera la distraction avant de prendre la décision de repartir vers le sud. Hyder aura été notre point le plus septentrional, pas prévu au départ et très belle découverte ! D’autant, qu’à défaut de grizzlys et de saumons, nous avons vu de nombreux ours noirs directement depuis le bord des routes. Comme sortis d’un zoo, ils sont là à manger les baies abondantes en cette saison.
Entre Stewart et Smithers : saumons et cascades à gogo
L’itinéraire est maintenant simple, nous visons les Rocheuses Canadiennes par Prince Georges. La route compte près de 1000km pour atteindre Jasper.
Tandis que l’été s’installe en France, nous vivons confinés dans le van face à des lacs ou de superbes rivières. L’humeur n’est pour autant pas atteinte. Harry Potter nous sauve presque la vie ! Valentine dévore la saga et Clémentine la relis une seconde fois, ensemble elles se racontent les aventures de leur héros. Harry deviendrait presque le fils de la maison et Lucky Luke le bon vieux cousin.
Sur Meziadin Lake et Moricetown, la migration des saumons est en cours. Il est facile de les observer depuis les petits barrages et sites de recensement des poissons. C’est impressionnant de les voir sauter 1m de hauteur à contre courant poussés par une force inexplicable.
Topley : the place to be !
Prince Georges est presque en vue. Pour notre grand plaisir, Mathieu, Séverine et leurs garçons sont sur notre route en sens inverse. La rencontre est programmée pile poil pour visionner ensemble la finale du mondial de foot. Le Mexique, les Etats-Unis et maintenant le Canada, ils sont ce que l’on appelle des potes de route !!
Deux jours sur place avant le match seront bien nécessaire pour se préparer ne serait-ce que sur le plan logistique. Chance incroyable au bord d’un lac paumé dans un bled tout aussi paumé, nous avons une excellente connexion Internet via nos forfaits Free. Pour avoir cherché des lieux où regarder le match, le streaming était notre unique chance !! Le football n’est vraiment pas populaire au Canada et à 8h du matin, un dimanche, aucun bar n’est ouvert dans la ville la plus proche, à 30km de nous…
Le réveil est programmé, nous sommes tous décorés bleu/blanc/rouge et c’est avec le café à la main que l’on s’installe tout excité à l’idée de vivre ce moment à distance. Nos gamins chantent l’hymne national tandis que le streaming fait des caprices, les commentaires jonglent entre le français et l’anglais, France Info vient en secours quand la connexion saute, le 3ème but est raté, mais le 4ème exaltés !!! Tout content, on s’en va au village, enfin dans la « main street », histoire de brailler et lâcher quelques klaxons. Et en guise de liasse populaire, nous rencontrerons un gars précisant qu’il n’a pas de télé et ne connait rien au football. Voilà, c’était notre 15 juillet au Canada. La vérité c’est que nous voulions surtout fêter ça avec des bulles au bord de notre paisible Sunset Lake !
Les enfants jouent au foot, se baladent en canoë, vivent au rythme du soleil, font des cabanes à l’aide de rondins de bois, tandis que les apéros s’enchainent, le temps passe sans le saisir, pour autant vient déjà l’heure de se quitter et pour de bon ce coup-ci…
Fort Saint James : au pays des trappeurs
Le Fort Saint James n’est qu’à un petit détour sur la highway menant à Prince Georges et cette reconstruction d’antan vaut largement le détour ! Les canadiens adorent mettre en scène des villages entièrement rénovés avec une parfaite simulation des habitudes de l’époque. Au Fort St James, tout y est, de la course de poules au troc de fourrures. Tout est fait pour s’imprégner de la vie des trappeurs dans cette vallée reculée du Canada.
L’ensemble du fort datant de 1896 est aujourd’hui animé par des personnes aux habits d’époque. Empruntant des rôles de trappeurs, commerçants, éleveurs ou femmes au foyer, ils nous font remonter le temps pour mieux se saisir de la vie de leurs ancêtres. Les filles vous racontent tout de leur côté !
Résultat après une journée sur le fort, nos poules ont gagné la course, le style de la famille Ingalls est devenu has-been et deux peaux de lapins décorent désormais notre petit intérieur sur roues…
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